Faust - En contexte

Faust cristallise la condamnation du charnel et la méfiance de la raison à une période où L’Église est tiraillée par les réformes du protestantisme institué par Martin Luther (1483-1546). Il n’est donc pas étonnant que l’exégèse biblique du moine allemand en teinte les propos et induise une condamnation de la recherche scientifique qui se voit associée à l’alchimie et à la sorcellerie. Faust a été publié une première fois dans l’édition connue sous le nom de Volksbush (récit populaire en allemand), en 1587. Si l’adéquation science-damnation est encore présente dans la version de Gœthe, 1808 (1832 pour la deuxième partie), elle est beaucoup moins appuyée que dans les versions antécédentes. Le drame devient bien plus humain que religieux.

Le motif central de Faust, cet homme qui pactise avec le Diable, se retrouve dans toutes les cultures et à des époques qui remontent aux sources de notre civilisation. Plus près de nous, des récits reprenant cette trame apparaissent dès les fondations de la chrétienté. Dans ces fables, une intrigue amoureuse est souvent à l’origine de la tractation. Fait amusant, mais qui n’est certainement pas sans lien, un de ces récits, La Légende Dorée – Jacques de Voragine, 1266, met en scène un Faustus et ses deux fils Faustinus et Faustinianus qui ont maille à partir avec le méchant Simon le magicien.

Derrière Faust il y a un personnage qui a vraiment existé, ou serait-ce l’amalgame de plusieurs personnages. D’abord le flamboyant, Johann Sabellicus connu aussi sous le nom de Georg Faust, il aurait vécu entre 1490 et 1540. Médecin, charlatan on dit même qu’il aurait été mêlé à de sordides histoires de pédophilie. Son histoire se transforma en légende pour devenir le conte populaire que l’éditeur Spiess immortalisa.

On le confond parfois avec Johann Fust (vers 1400-1466). Ce dernier avait gagné un procès contre Johannes Gutenberg. C’est sans doute pourquoi la croyance populaire de l’époque lui attribuait à tort l’invention de l’imprimerie. Encore une fois, la confusion nous offre des filiations inattendues. La Bible fut le premier livre imprimé en série. On peut y voir une tractation ambiguë. L´Église ne devait pas voir d’un bon oeil la venue de cette invention qui allait démocratiser le savoir. Mais elle ne pouvait résister à la vanité de voir son texte fondamental élu au titre du premier livre imprimé. Ici l’Église pactise avec le diable-technologie.