Faust par Pessoa

Bien étrange est le Faust que nous a laissé l’auteur portugais Fernando Pessoa (1888-1935). Laissé ou abandonné, car l’auteur y a travaillé toute sa vie et la version qui nous est parvenue est une édition posthume, incomplète et fragmentaire. Son sous-titre, une tragédie subjective, nous situe. Le texte est presque exclusivement constitué d’une suite de soliloques. Sous la forme d’un long poème, Faust est ici pratiquement seul avec lui-même. Son combat n’est pas entre le bien et le mal. Il ne cherche pas à transformer le plomb en or. Il s’interroge sur le sens de la vie.

Sa quête se divise en cinq actes. Chaque quête se conclut par un constat d’échec.

L’Intelligence veut comprendre la Vie
L’Intelligence veut diriger la Vie
L’Intelligence tente de s’adapter à la Vie (par l’amour)
Conflit de l’Intelligence avec l’action — la dissolution de la Vie
La Mort

Ici pas de grand-guignolesque, Faust est seul face à son existence.

Pessoa était un maître de l’hétéronyme*, ces noms personnalité qu’il se créait pour écrire dans des styles différents. Il n’est pas étonnant que ce jeu soit poussé plus loin et que l’on voit en Faust l’ultime double de Pessoa, l’auteur devenu personnage.

*Un hétéronyme est un concept littéraire inventé par Fernando Pessoa qui correspond à une personnalité différente de celle de l'écrivain orthonyme (c'est-à-dire Pessoa lui-même) à laquelle il crée une vie en soi en plus d'une œuvre. On recense plus de 70 hétéronymes possibles (recensés par Teresa Rita Lopes) dans l'œuvre de Pessoa même si les trois principaux sont Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos ainsi qu'un semi-hétéronyme, Bernardo Soares, l'auteur du Livre de l'intranquillité. (source Wikipédia)

Illustration : portrait de Fernando Pessoa par Vik Muniz (1961–, São Paulo, Brésil), 180 x 187.5 cm (dans la série A Terra e a Gente, présentée à Lisbonne en 2007). Si vous ne connaissez pas Muniz, il réalise ses dessins avec différentes matières, ici de la terre; puis photographie ces réalisations éphémères. Ce cliché est repris de la galerie Xippas, Paris. Le MACM, le Musée d’art contemporain de Montréal présentait une rétrospective de sa production en fin 2007.